Top 10 des femmes féministes à l’honneur dans Paris
Par Feminists in the City
Le quartier Paris Rive Gauche, dans 13ème arrondissement de Paris, qui abrite la Bibliothèque François-Mitterrand, est sans doute le plus futuriste de notre capitale : une architecture novatrice, de grands espaces bétonnés, d’anciennes friches converties en square... Entamée dans les années 1990, l’opération d’urbanisme qui a mené à la création de ce quartier a également permis un accroissement considérable des noms de rues, de jardins, de ponts, mettant à l’honneur des femmes, dont beaucoup sont des féministes célèbres. Feminists in the City vous en présente certaines dans ce blog !
1. Clara Zetkin, les racines du féminisme socialiste
Le jardin Clara Zetkin (1857-1933) qui se situe dans un cadre peu privilégié, le long du Périphérique et des rails, rend hommage à une grande féministe allemande. Sa mère, Joséphine Vitale, était féministe, et a mis tout en œuvre pour que sa fille puisse faire des études supérieures. Les universités allemandes n’acceptant pas de femmes, elle suit des études de lettres étrangères à l’Institut von Streyber, à Leipzig, où elle a pour professeuse de littérature Auguste Schmidt, fondatrice de la première association féministe en Allemagne, l’Association générale des femmes allemandes (ADF). Clara Zetkin évolue dans ce milieu qui défend les droits des femmes et l’accès des femmes à l’éducation, avant de se retourner contre ce qu’elle considère comme un « féminisme bourgeois » et de s’engager dans le féminisme socialiste.
En 1882, alors que l’Allemagne s’élève contre le socialisme, elle s’installe à Paris, où, aux côtés de son compagnon Ossip Zetkin, elle côtoie la sphère socialiste parisienne. Elle fréquente, entre autres, Laura Marx, traductrice célèbre des écrits de Karl Marx, dont Feminists in the City évoque le destin dans notre visite Les femmes au Père Lachaise. Elle participe activement à l’organisation de la Deuxième Internationale, qui a lieu à Paris en 1889, et explicite ses pensées sur l’émancipation des femmes lors d’un discours qui fera grand bruit. Elle explique notamment que « L'émancipation de la femme comme celle de tout le genre humain ne deviendra réalité que le jour où le travail s'émancipera du capital » et que les femmes sont prêtes à s’engager pleinement dans la lutte, tout en étant « fermement décidées à exiger après la victoire tous les droits qui leur reviennent ».
De retour en Allemagne à la fin du XIXème siècle, elle crée le journal Die Gleichheit (L’égalité), destiné aux femmes ouvrières. Dans un pays où les femmes n’ont pas le droit d’intégrer un parti politique, elle crée la Conférence des femmes, en marge du parti SPD, le parti social-démocrate allemand. En 1907, lors de la Première conférence internationale des femmes socialistes, qu’elle a organisée à Stuttgart, l’Internationale socialiste des femmes voit le jour, et Clara Zetkin en devient la Présidente. En 1910, c’est elle qui propose de créer une Journée internationale des femmes, consacrée à la manifestation pour les droits des femmes et notamment pour leur droit de vote.
En 1918, les femmes allemandes obtiennent le droit de vote : en 1920, elle devient députée du Parti communiste d’Allemagne (KPD) créé deux ans auparavant. Elle sera députée jusqu’à sa mort en 1933. Elle meurt en exil à Moscou et est inhumée sur la place Rouge. Clara Zetkin est une figure majeure du féminisme allemand : elle a grandement contribué à l’avancée des droits des femmes au sein de la pensée socialiste, et à une plus grande implication des travailleuses dans la lutte.
2. Berthe Morisot, première femme impressionniste
« Je n’obtiendrai [mon indépendance] qu’à force de persévérance et en manifestant très ouvertement l’intention de m’émanciper » - Berthe Morisot, 1871
Le jardin Berthe Morisot (1841-1895), espace vert vallonné, rend hommage à la première impressionniste. Elle prend très tôt des cours de dessin, en compagnie de sa sœur, avec Jean-Baptiste Camille Corot, peintre et graveur. Celui-ci aurait dit à leur mère : « elles deviendront des peintres. Vous rendez-vous bien compte de ce que cela veut dire ? Dans le milieu de la grande bourgeoisie qui est le vôtre, ce sera une révolution, je dirais presque une catastrophe ». Comme les femmes de la bourgeoisie de son temps, Berthe Morisot est supposée demeurer à l’intérieur. Cependant, elle écrit en 1871 : « Je n’obtiendrai [mon indépendance] qu’à force de persévérance et en manifestant très ouvertement l’intention de m’émanciper ».
En 1867, Berthe Morisot commence à exposer et à vendre ses œuvres. Elle participe à la première exposition impressionniste en 1874. Il s’agit alors du premier courant artistique français à inclure une femme dès sa première exposition de groupe. Mary Cassatt et Marie Bracquemond rejoindront le mouvement peu de temps après.
L’œuvre de Berthe Morisot est particulièrement intéressante car, comme le souligne l’historienne de l’art Griselda Pollock, elle montre des moments critiques qui construisent la subjectivité féminine. Elle offre une vision authentique et personnelle des espaces de la féminité, tels qu’elle les vit et les expérimente au quotidien. Aussi, elle a tendance à supprimer les caractéristiques sexuelles de ses modèles dans les scènes de toilettes, comme si elle souhaitait nier l’accès du spectateur au corps féminin.
Ses contemporains la voyaient surtout comme une femme faisant de « jolies » peintures et voyaient son œuvre sous le prisme de son genre, la qualifiant de charmante, de raffinée, de féminine. Cependant, elle avait un style qui lui était propre. Un exemple frappant est son Autoportrait avec sa fille Julie (1885), qui dépeint précisément son visage alors que celui de l’enfant est tout juste esquissé, de plus sur une toile non préparée. Berthe Morisot considérait le tableau comme achevé, soulignant une puissance novatrice difficilement égalée par ses contemporains et une recherche d’instantanéité propre à son œuvre. Elle a souvent peint son mari, Eugène Manet, avec leur fille, Julie, soulignant que les hommes ont un rôle à jouer dans l’éducation des enfants. Ces tableaux sont féministes dans le sujet qu’ils représentent, mais aussi dans la démarche : c’est elle qui travaille, en peignant, tandis qu’Eugène s’occupe de leur enfant.
A son décès, le certificat annonçait « sans profession », révélant le peu de considération que recevaient les femmes artistes au XIXème siècle. Elle a pourtant inspiré de nombreuses femmes artistes : au 20ème siècle, beaucoup se revendiquent de Berthe Morisot, malgré le fait que les critiques de l’époque en font alors l’élève d’Edouard Manet. Pour lui rendre femmage, vous pouvez admirez certaines des œuvres de Berthe Morisot lors de la visite féministe Les femmes au musée d’Orsay.
3. Françoise Mallet-Joris, écrivaine sulfureuse et académicienne
Le Jardin Françoise Mallet-Joris est un lieu de passage du quartier, situé près de la Station F. Françoise Mallet-Joris (1930-2016) est une écrivaine franco-belge. Elle commence à écrire très jeune et publie pour la première fois à l’âge de 16 ans. Elle devient célèbre à seulement 19 ans, pour son roman Le Rempart des Béguines, considéré comme « sulfureux » et en avance sur son temps. En effet, ce roman raconte l’histoire d’Hélène, une adolescente, qui débute une liaison amoureuse avec Tamara, une femme dépeinte comme forte, indépendante, et assumant un côté masculin, qui est également la compagne de son père. Elle-même a assumé au grand jour une relation lesbienne avec la chanteuse Marie-Paule Belle de 1970 à 1981.
Reconnue pour sa plume par les plus grands cercles littéraires, elle devient jury du Prix Femina de 1969 à 1971, avant d’être élue membre de l’Académie Goncourt, où elle siègera jusqu’en 2011. En Belgique, elle est également membre de l’Académie Royale de Langue et de Littérature françaises. Elle s’est illustrée pour son combat pour les droits des femmes, notamment à travers ses textes, qui donnent une opinion réaliste et sans tabou sur la société de son temps et sur le rôle des femmes, en particulier dans la sphère privée.
Des lieux et des féministes qui détonnent dans le paysage parisien
4. Simone de Beauvoir, la référence féministe du XXème siècle
La passerelle Simone de Beauvoir, qui permet aux piétons et vélos de traverser la Seine entre Bercy et la BNF, a été inaugurée en 2006.
Simone de Beauvoir (1908-1986) est une écrivaine, philosophe, mémorialiste et féministe. Elle est la référence du féminisme mondial au XXème siècle, notamment grâce à la publication du Deuxième Sexe. Elle démontre qu’on ne naît pas femme, mais qu’on le devient, avec l’idée d’une socialisation différente pour les filles et les garçons, et d’une théâtralisation du genre. Elle montre comment les femmes sont tenues à l’écart de la marche du monde, privées d’autonomie par les hommes. Elle dénonce le système patriarcal en mettant en évidence l'aberration des mythes et des cultures qui légitiment l’oppression des femmes et leur interdit de disposer librement de leur corps. Elle dénonce déjà l’interdiction de la contraception et l’horreur des avortements clandestins, les inégalités salariales, le contrôle des hommes sur les femmes. Elle appelle à la libération.
Simone de Beauvoir s’est illustrée pour ses écrits sur la condition des femmes, sur la libération des peuples colonisés, mais aussi sur les personnes âgées. Elle a été une défenseuse des minorités et a su écrire les réalités de son temps, dont personne ne parlait. A sa mort, Claudine, Monteil, notre Marraine 2020 et une proche de Simone de Beauvoir écrira dans Le Monde : “Simone de Beauvoir nous a appris que les femmes ont un devoir : vivre”. Sa vie est une inspiration, et Feminists in the City a ainsi décidé de lui consacrer une visite féministe, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés.
5. Joséphine Baker, artiste et résistante, engagée pour les droits humains
La piscine Joséphine Baker est une piscine municipale flottante, sur la Seine, qui comprend deux bassins et un espace solarium, avec un toit qui peut s’ouvrir lorsque le temps le permet !
Elle a été inaugurée en 2006 et porte le nom de la célèbre danseuse, actrice, chanteuse et résistante, Joséphine Baker.
Joséphine Baker (1906-1975), est née dans un milieu pauvre du Missouri : alternant entre école et travail, elle se marie à 13 ans. Divorcée un an plus tard, celle qui danse depuis qu’elle sait marcher s’engage dans une troupe, the Jones Family Band. Elle part ensuite pour New York, où elle se fait remarquer dans des revues, comme The Chocolate Dandies, pour son énergie et ses grimaces, qui s’ajoutent à son talent de danseuse et font sa singularité. A l’âge de 19 ans, elle arrive à Paris avec la troupe, et se retrouve quelques années plus tard à la tête de la revue des Folies bergères, où elle s’affiche avec un léopard. Elle se fait aussi connaître en tant que chanteuse, notamment avec son célèbre titre J’ai deux amours, « mon pays et Paris », en 1931.
Joséphine Baker s’est illustrée par son engagement dans la Résistance pendant la Seconde Guerre Mondiale. Espionne, elle gère en parallèle un camp de réfugiés à ses frais. Elle recevra notamment la Croix de Guerre et la Légion d’Honneur pour ces actions. Engagée pour l’égalité sous toutes ces formes, elle réalise ses idéaux dans sa propre famille, en adoptant une « Tribu Arc-en-Ciel », 12 enfants de nationalités et religions différentes, à qui elle inculque le vivre-ensemble et le respect d’autrui. Elle s’engage dans la lutte contre le racisme aux Etats-Unis et est la seule femme, le 28 août 1963, qui prend la parole aux côtés de Martin Luther King. Joséphine Baker est mise à l'honneur dans la visite guidée féministe Les femmes révoltées de Paris.
6. Ada Lovelace, une informaticienne au XIXème siècle
On parle beaucoup de la Station F, mais saviez-vous que ce bâtiment gigantesque était longé par une rue qui porte le nom d’une scientifique célèbre ? Ada Lovelace (1815-1852) est une précurseuse de la science informatique et la première programmeuse de l’histoire. C’est elle qui a réussi à créer le premier programme informatique, un algorithme comme ceux à l’origine du fonctionnement de nos ordinateurs.
Pendant son enfance et son adolescence, Ada Lovelace est souvent malade, et reste alittée pendant une année à cause de la rougeole. Elle met ce temps à profit pour étudier les sciences technologiques et les mathématiques, une passion qui la suivra sa vie durant. A l’âge de 17 ans, elle fait la rencontre de Charles Babbage, inventeur de renom. Celui-ci, impressionné par son intelligence, la surnomme « l’enchanteresse des nombres » et ils travaillent ensemble à la création d’une machine analytique, qui réaliserait des calculs grâce à un programme, que ni l’un ni l’autre ne verra jamais construite.
Entre 1842 et 1843, Ada Lovelace traduit l'article d'un ingénieur italien, Luigi Menabrea sur la machine analytique, et y ajoute des pages de notes et de réflexion personnelles, qui triplent la longueur de l’article. C’est dans ces notes qu’elle établit le premier programme de calcul informatique et donne son opinion sur l’intelligence artificielle : cela semble presque anachronique au XIXème siècle! Décédée d’un cancer à l’âge de 36 ans, elle a marqué l’histoire de l’informatique et ses travaux seront utiles à Alan Turing, qui créa le premier ordinateur.
7. Louise Weiss : le féminisme et l’Europe
« Même si vous nous donnez le droit de vote, vos chaussettes seront raccommodées » - La femme nouvelle, 1936
Parallèle à la rue Ada Lovelace, on trouve la rue Louise Weiss, près de la station de métro Chevaleret. Louise Weiss (1893-1983) grandit à Paris, et fréquente des établissements pour jeunes filles, comme le lycée Molière, où ont enseigné Jeanne Chauvin et Simone de Beauvoir. Elle obtient l’agrégation de lettres à l’âge de 21 ans ainsi qu’un diplôme de la prestigieuse université d’Oxford. Elle devient journaliste et lance, à la fin de la Première Guerre Mondiale, l’hebdomadaire l’Europe nouvelle, dans lequel elle prône la paix et le rapprochement entre l’Allemagne et la France, sous le pseudonyme Louis Lefranc.
Féministe du terrain, elle déclare qu’il faut sortir « à coups de pied […] le féminisme des quelques salons où il se pavane ». En 1934, elle crée l’association « La femme nouvelle », dans le but de lutter pour le droit de vote des femmes à la manière des suffragettes d’Outre-Manche. Les militantes enchaînent les actions, qui sont relayées dans la presse et permettent de faire mieux connaître la cause féministe. Par exemple, en 1936, les sénateurs se voient offrir des chaussettes portant l’inscription ironique « Même si vous nous donnez le droit de vote, vos chaussettes seront raccommodées ».
Après la Seconde Guerre Mondiale, elle s’engage dans la science des conflits, en créant un institut de polémologie à Strasbourg en 1945, ainsi que l’Institut des Sciences de la Paix, en 1971. Elle voyage à travers le monde jusque dans les années 70, réalisant des reportages qui fascineront ses spectatrices et spectateurs, lui inspireront des récits et des guides touristiques. Européenne convaincue, elle assiste avec grand intérêt à la construction européenne, et est élue députée européenne lors de la création du Parlement européen à Strasbourg, en 1979. A ce moment, Simone Veil, dont Feminists of Paris raconte l'histoire pendant notre chasse aux sorcières, devient Présidente du Parlement européen. C’est elle, en tant que doyenne, qui réalise le discours et préside la session d’ouverture du Parlement. Le bâtiment du Parlement est nommé en son honneur.
8. Jeanne Chauvin, pour l’accession des femmes aux métiers "masculins"
La rue Jeanne Chauvin (1862-1926) est une parallèle de l’Avenue de France : dans une zone encore en construction, elle rend hommage à l’une de celles qui arrivent premières dans toutes les catégories : deuxième femme française diplômée d’une licence de droit en 1890, elle est la première doctoresse en droit en 1892. Sa thèse se concentre sur l’inégalité de droits entre les femmes et les hommes, qu’elle dit introduite et perpétuée par le droit canon, issu de la Bible, et son impact sur l’accession des femmes à certaines professions. Pour elle, les femmes devraient avoir accès à l’éducation de la même manière que les hommes, et poursuivre la profession de leur choix. Alors professeuse de droit dans des lycées de jeunes filles de Paris, elle demande plus de droits pour les femmes mariées, considérées comme mineures au regard de la loi. En 1897, elle cherche à prêter le serment d’avocat, mais se voit répondre que la loi ne permet pas aux femmes d’exercer ce métier.
En 1900, grâce à l’engagement des féministes, et notamment au sien, une loi est votée qui donne accès aux femmes au barreau. Ce vote engendre d’innombrables commentaires misogynes : les députés ont peur que les avocates convainquent les juges par d’autres moyens que la raison. Jeanne Chauvin devient néanmoins la deuxième femme à prêter servent au barreau de Paris et la première à plaider en 1901. Elle est un modèle pour la profession, qui compte de nombreuses femmes fortes, qui ont lutté pour les droits humains à travers le XXème siècle et continuent à le faire aujourd’hui: nous vous parlons de pionnières comme elle dans la visite Feminists in the City La chasse aux sorcières.
9. Julie-Victoire Daubié, première bachelière et licenciée de lettres
La rue Julie Daubié est une courte impasse qui croise la rue Jeanne Chauvin. Julie-Victoire Daubié (1824-1874) est la première bachelière française, diplômée en 1861, et la première femme à obtenir une licence de lettres, en 1871. Elle grandit à Fontenoy-le-Château, l’ainée d’une fratrie de huit enfants. En 1844, elle passe son brevet d’enseignante, tout en continuant à étudier et écrire de son côté. Ce brevet n’est obligatoire que pour les l’enseignement laïc, et Julie-Victoire Daubié s’érige contre la piètre qualité de l’enseignement catholique.
Elle publie, en 1859, un essai intitulé La femme pauvre au XIXème siècle, qui lui vaut de remporter le concours de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon (pour la visite féministe de Lyon, c'est par ici). Cet essai dénonce les mauvaises conditions de vie ouvrières, domestiques, et les difficultés auxquelles font face les mères célibataires. Elle crée sa propre entreprise de broderie, et offre un emploi à des femmes pauvres, en leur offrant des conditions de travail et une rémunération dignes.
Julie-Victoire Daubié se bat pour le droit des femmes à accéder à l’enseignement supérieur, et réalise ses idéaux en pratique. Elle obtient sa licence ès lettres de la Sorbonne en 1871, à l’âge de 46 ans et sans avoir pu assister aux cours, les femmes n’étant pas autorisées à le faire. Elle débute une thèse de doctorat sur la Condition de la femme dans la société romaine, mais meurt sans avoir pu la terminer, à l’âge de 50 ans. Son destin souligne qu’il ne faut pas avoir peur des obstacles, car ils peuvent, avec de la persévérance, être dépassés.
10. Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé : engagée pour l’accès à la contraception
Cette rue, qui est située près de l’université, dans un lieu où la plupart des rues portent un nom de femme, rend hommage à Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé (1916-1994), la fondatrice du Planning familial, créé en 1956 sous le nom « Maternité Heureuse ». Cette gynécologue française, qui trouve inacceptable que les femmes subissent des grossesses non désirées, propose, dès les années 50, de légaliser la contraception afin de lutter contre les avortements clandestins. En 1955, elle témoigne lors du procès de Ginette et Claude Bac, parents pauvres de quatre enfants, âgés de 23 et 25 ans, et jugés pour la mort de leur fille, Danièle, huit mois. Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé y dénonce les lois répressives qui mettent les couples, à chaque rapport, devant la possibilité d’une grossesse.
L’année suivante, elle crée, aux côtés d’Evelyne Sullerot, sociologue, Maternité Heureuse, une association dédiée à «l’étude des problèmes de la maternité, de la natalité, de ses répercussions familiales, sociales, nationales», ne pouvant pas afficher ouvertement, pour ne pas être dans l’illégalité, sa lutte pour le contrôle des naissances. De nombreux médecins se joignent à l’association, d’abord destinée au corps médical. En 1961 s’ouvre le premier centre du planning familial à Grenoble. En parallèle, elle s’engage pour la légalisation de la pilule contraceptive, qui aura lieu en 1967.
Alors que des structures du Planning familial se développent dans les villes de France, Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé se retire progressivement de l’association. Catholique pratiquante, elle est opposée à la dépénalisation de l’avortement, qui devient un des thèmes principaux du Planning familial. Pour elle, la contraception est supposée résoudre la problématique du contrôle des naissances, et elle a peur d’une banalisation de l’avortement. Cette position est surement à l’origine de l’oubli dont elle fait l’objet, tant elle se détache de la vision et de la mission du Planning familial à partir des années 70. Elle va même jusqu’à participer à la création, en 1976, du Comité national pour la régulation des naissances qui s’oppose fermement à « l'avortement et la stérilisation utilisés par les couples comme moyen de contraception ».
Pour ses actions, elle reçoit la Légion d’honneur, en 1984. Si son appui aux politiques natalistes et son opposition à la dépénalisation de l’avortement entachent sa mémoire, il est tout de même crucial de se remémorer cette pionnière, qui a permis l’évolution des mentalités sur la contraception et le droit des femmes à une sexualité détachée de la natalité.
Pour poursuivre la lecture :
BASCOU-BANCE, Paulette (1972) « La première femme bachelière : Julie Daubié », Persée (lien)
BERTIN, Célia (1999) Louise Weiss, Paris : Albin Michel
BILLE Clémentine & WINTREBERT, Hugo « Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, l’anti-avortement pro-contraception (10 août 2018), Slate (lien)
BRISAC Geneviève (1981) « Les deux fronts de lutte de Clara Zetkin », Le Monde diplomatique (lien)
RENARD, Camille (05/2019) « Ada Lovelace, la première codeuse de l’histoire » (lien)
SAVIGNEAU, Josyane & DOUIN Jean-Luc (2016) « Mort de la romancière Françoise Mallet-Joris », Le Monde (lien)
WEISS, Louise (1946) Ce que femme veut, Paris : Gallimard
« Jeanne Chauvin, une pionnière », Tendance Droit (lien)
« Joséphine Baker, quelle vie ! » (06/2019) France Culture (lien)