La discussion sur le consentement et le sexe dans la cause féministe mérite d’être poursuivie au delà du contexte criminel du viol, de l’agression ou du harcèlement. Les féministes se sont battues pour que les femmes puissent être plus que des objets ou des victimes, pour que le sexe soit une manière pour les femmes de re-posséder leur propre corps et leur plaisir.
Le sexisme omniprésent dans nos relations
Dans la société patriarcale dans laquelle nous vivons, nos rapports sexuels sont forcément influencés par la misogynie. Comprendre nos propres désirs est déjà compliqué en soi mais ça l'est encore plus quand on prend en compte les structures de pouvoir sexistes qui régissent nos vies.
Beaucoup de rapports sexuels se déroulent dans une sorte de zone grise du consentement. Ils sont techniquement consentants, pourtant ils restent sexistes. Du sexe sans agression à proprement parler mais aussi sans plaisir et souvent sans respect des désirs et limites de l’autre, du sexe parfois brutal, du sexe qui est parfois le résultat de pression, parfois humiliant. Les femmes pourraient tout aussi bien n’être que des poupées puisque c’est uniquement leur enveloppe charnelle qui est utilisée.
Le sexisme dans les rapports sexuels hétéro se traduit par l’idée selon laquelle le sexe est dû aux hommes (ce que les féministes appellent la charge sexuelle). L'aggressivité qui entoure potentiellement l'acte est donc seulement la continuité de cette logique. Dans ce schéma, l’homme est dans l’action, il est celui qui séduit, qui poursuit. On attend en revanche de la femme une sorte de passivité comme si son rôle n’était que de recevoir et d’accepter les désirs masculins.
Dès lors il n’est pas étonnant que l’orgasme masculin soit si souvent perçu comme la « fin » du rapport. Cela a aussi un impact sur le jugement différentiel posé sur la sexualité masculine et la sexualité féminine. Y a-t-il un équivalent du mythe de la « salope »/ « chaudasse »/ « allumeuse »/ « chienne » pour décrire les hommes qui explorent leur sexualité ?
Des stéréotypes qui prennent trop de place
Contrairement à ce que les stéréotypes sexistes veulent nous faire croire, les hommes ne sont pas des bêtes hypersexuels incapables de contrôler leurs pulsions et les femmes ni des objets de tentation ou des saintes absolument pas préocupées par le sexe.
Nous souffrons tou·te·s de l’omniprésence de ces stéréotypes dans nos rapports sexuels et ils nous imposent des comportements qui vont à l’encontre de notre volonté propre. Même l’idée classique qu’on se fait du consentement basée sur un « oui » ou « non » démontre les rôles assignés à chaque genre. Les hommes sont toujours ceux qui posent la question, ils n’y répondent pas. Le consentement masculin est considéré comme une évidence. La société s’attend à ce que les hommes soient toujours excités, toujours désireux du rapport sexuel. L’idée qu’un homme puisse ne pas consentir est souvent ridiculisée, pourtant les hommes aussi se forcent, feignent de ressentir ce qu’ils ne ressentent pas vraiment.
Quant aux attentes imposées aux femmes elles sont plus que contradictoires. On apprend aux petites filles à être gentilles et agréables mais aussi conciliantes face à la volonté masculine. D’un côté il y a donc le réflexe de dire oui au désir masculin même lorsqu’il n’est pas réciproque, de se « laisser faire » par peur de créer un conflit ou de paraître désagréable. D’un autre côté ne pas savoir dire non c’est perdre l’insaisissable statut de fille « bien », cette fille soit disant « pas comme les autres ». Ces injonctions contradictoires mènent beaucoup de femmes à se sentir paralysées devant une situation sexuelle qui les rend inconfortable. Parfois elles disent oui après avoir dire non trois fois parce que l’homme insiste, parfois elles disent « non je ne veux pas avoir un rapport sans protection » ou « va plus doucement » et sont ignorées, parfois elles ne disent rien mais leur corps parle, elles sont raides, réticentes, immobiles. Tout cela fait partie de l’acte de consentement.
Un rapport de pouvoir souvent asymétrique
Au delà d’être un homme, être un homme plus âgé ou dans une position sociale plus élevée a une influence sur la capacité des femmes à consentir. Comment dire non face aux pressions d’un supérieur hiérarchique qui a le contrôle sur notre vie professionnelle ? Si une femme ne cède pas à ces pressions, sa carrière risque d’en souffrir. Si elle cède, elle peut être accusée d’avoir « couché pour réussir ». Une accusation à laquelle les hommes ne sont jamais confrontés. Par ailleurs, personne ne s’étonne de voir une jeune femme au bras d’un homme bien plus âgé. C’est considéré comme l’ordre normal des choses. Pourtant le contraire reste une source de moquerie, les femmes en relation avec un homme plus jeune deviennent des « cougars » donc des prédateurs jugés finalement pour avoir un comportement considéré comme masculin.
Non c’est non, et le but n’est pas de dire que parfois oui c’est aussi non et donc de rendre tous rapports sexuels consentants impossible. Le but c’est plutôt de se rendre compte qu’il y a beaucoup de situations dans lesquelles savoir dire non est extrêmement difficile à cause d’un pouvoir inégal entre les genres, à cause d’une socialisation qui encourage les femmes à faire plaisir à l’autre avant soi-même, à éviter le conflit avec les hommes parce que la potentialité de la violence (bien plus que la violence elle-même) nous a été inculquée depuis notre plus jeune âge. Le but n’est pas non plus de réprimer le sexe avec des règles rigides mais plutôt de ne pas accepter la normalité d’un rapport sexiste médiocre, inconfortable dans lequel le plaisir n’est pas réciproque et nos limites ne sont pas respectées.
Cela requiert une communication ouverte et sans honte et c’est impossible si on ne questionne pas le caractère sexiste de beaucoup de nos interactions genrées. On ne devrait jamais avoir peur ou se sentir hésitant à exprimer le fait qu’on a pas envie ou qu’on a changé d’avis même si on a initié le flirt, même si on l’a embrassé·e, même si on l’a laissé·e nous toucher, même si on est en couple avec la personne. Le consentement ne se limite pas à un simple « oui », on peut consentir à certains actes et pas d’autres, on peut consentir jusqu’à un certain point seulement. Le consentement, c’est aussi pouvoir dire « non » ou « stop » à tout moment et être entendu(e). Tout cela n’a rien à voir avec le sexe sans lendemain, le sexe sexiste existe dans le couple comme dans le coup d’un soir. De la même façon, le plaisir sexuel peut être basé sur la domination sans être problématique si cette domination est choisie entre adultes consentants et égaux dans le cadre d’un rapport bien défini plutôt que d’être subie. Le consentement c’est la base, il y a tellement plus à attendre de nos rapports sexuels.
Inspirations :
Podcast : Les couilles sur la table, Sexe sans consentement https://www.youtube.com/watch?v=nGHWyQssF9w
Podcast : Transfert, Plaire aux hommes https://www.slate.fr/podcast/171120/plaire-aux-hommes
Article : The Cut, Rebecca Traister, Why consensual sex can still be bad. And Why We’re Not Talking About It. https://www.thecut.com/2015/10/why-consensual-sex-can-still-be-bad.html?fbclid=IwAR2dAcu-on9xwMNAmJbplHRHavnJWzhBVocj6YqCr9eNYuXOOkKxrdBtNI0
Article : The Guardian, Jill Filipovic, The poorly reported Aziz Ansari exposé was a missed opportunity https://www.theguardian.com/commentisfree/2018/jan/16/aziz-ansari-story-missed-opportunity?fbclid=IwAR3qoNwS6BEnRBUtwgzHLvfpP45thApfgoLLaIlJv48POGhn2hcTap16u7U
Série : The Bold Type - Saison 2 épisode 1, Feminist Army
