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Petite histoire du féminisme en Espagne

Quentin Pakiry - Contributeur

· Histoire

Comme partout ailleurs en Europe, la condition et les droits des femmes ont beaucoup évolué en Espagne au cours des siècles.

Aujourd’hui, l’histoire de l’émancipation des femmes en Espagne est souvent perçue comme un modèle pour les autres pays occidentaux.

Le féminisme espagnol : une longue histoire

Au 18e siècle en Espagne, on voit apparaître plusieurs personnalités luttant pour les droits des femmes telles que Rita de Barrenechea et l’écrivaine Josefa Amar y Borbón. Cette dernière a notamment défendu l’accès aux professions intellectuelles et aux postes à responsabilité.

Au 19e siècle, les progrès s’accélèrent avec la création en 1870 de l’Asociación para la Enseñanza de la Mujer (Association pour l'Enseignement de la Femme), et l’apparition d’un bimensuel culturel adressé spécifiquement aux femmes : La Ilustración de la Mujer.

Les premières organisations de lutte politiques

Les premières organisations féministes sont créées peu après, notamment la Sociedad Autónoma de Mujeres de Barcelona et l'Asociación General Femenina.

Barcelone est un haut lieu du féminisme espagnol à cette époque, avec la création de la revue féministe Feminal en 1907. La première grande manifestation féministe est organisée dans cette ville en 1910.

L’âge d’or de la Seconde République

C’est durant la Seconde République que le féminisme espagnol prend toute son ampleur. Trois femmes de gauche sont élues députées lors des élections de 1931 : Clara Campoamor du Parti républicain radical, Margarita Nelken du Parti socialiste ouvrier espagnol et Victoria Kent de la Gauche républicaine. Deux années plus tard, le droit de vote est accordé à toutes les femmes. Autre fait important, l’avortement est autorisé gratuitement jusqu’à 12 semaines de grossesse en 1936.

D’autres avancées ont lieu durant la Seconde République. María Domínguez est élue maire d’un village en Aragon, et Anna Maria Martínez Sagi est nommée dirigeante du FC Barcelone... Aujourd’hui, le FC Barcelone est l’un des clubs de football les plus célèbres au monde, dans une ville qui attire des touristes du monde entier (voir site Bonjour Barcelone).

Les régressions franquistes

Après la guerre civile de 1939, de nombreuses femmes doivent s’exiler. La censure et la répression frappent celles qui restent. Une résistance intérieure s’organise, mais elle est forcément limitée. Les associations féministes créées durant la seconde république sont interdites, et les droits régressent.

Dès les années 40, le droit de vote des femmes est supprimé. La femme est considérée comme une « éternelle mineure » placée sous la tutelle du père puis de l’époux. Le divorce est limité aux cas extrêmement graves, la contraception et l’avortement sont interdits.

Le féminisme en Espagne aujourd’hui

Après la mort de Franco, la situation s‘améliore progressivement. La contraception est de nouveau légalisée à la fin des années 70, tout comme le divorce en 1981. L’avortement est dépénalisé dans certains cas en 1985, puis légalisé en 2010.

L’Espagne prend également des mesures pour s’attaquer aux violences faites aux femmes. En 1992, la Cour suprême statue que les relations sexuelles doivent être consenties au sein du couple. Le viol conjugal est ainsi reconnu et puni d’emprisonnement.

En 2004, une loi visant à lutter contre les violences de genre est votée au parlement. Cette loi crée des tribunaux spécialisés, et met en place un système de protection des victimes.

En 2018, une grève féministe est organisée sur tout le territoire espagnol. L’événement, qui vise à dénoncer les discriminations et les violences faites aux femmes, est très médiatisé. L’année suivante, le parlement espagnol est le parlement le plus égalitaire de l’Union européenne, avec 166 députés femmes sur 350 au total.

Aujourd’hui encore, les droits des femmes sont une préoccupation centrale en Espagne.

Cela se voit jusque dans les créations artistiques. Au Musée de la Reine Sofia, présenté ici par Bonjour Madrid, les femmes et leurs combats sont souvent mis en avant dans les expositions.

 

Quelques références et inspirations :

Isabel Morant Deusa et Mónica Bolufer-Peruga, « Josefa Amar y Borbón. Une intellectuelle espagnole dans les débats des Lumières », à lire ici.

Jeannine Bouché de Español, « L’Espagne, une histoire politique au féminin », à lire ici.

« La grève générale des femmes connaît une ampleur inattendue en Espagne », Challenges, à lire ici.